Fondée en 1895, la Biennale de Venise est l’une des manifestations culturelles les plus prestigieuses au monde. Si sa version Art, qui se tient les années impaires, attire tous les regards, sa déclinaison dédiée à l’architecture n’a pas grand-chose à lui envier. Pour cause, depuis son lancement en 1980, elle s’est imposée comme le rendez-vous incontournable de la scène architecturale internationale. Le moment où se dessinent les lignes de force qui feront la tendance des prochaines années. Et où se confrontent les visions du monde des artistes et architectes qui en prennent part. Mais aussi et surtout, un baromètre des enjeux politiques, sociaux et environnementaux qui agitent notre époque. Cette année encore, la Biennale d’Architecture de Venise promet de ne laisser aucun visiteur indifférent. En rassemblant plus de 80 participants venus des quatre coins du globe autour d’un thème aux résonances multiples : “Intelligens”. Une notion que son commissaire, l’architecte et ingénieur Carlo Ratti, entend bien explorer sous toutes ses facettes : naturelle, collective et artificielle. L’objectif ? Mettre en lumière la manière dont chacune d’entre elles redéfinit notre rapport aux espaces que nous habitons. Et ce, grâce à des installations et pavillons plus inventifs les uns que les autres. Reste qu’une telle profusion a de quoi donner le tournis — surtout lorsque l’on manque de repères. Alors, on vous a préparé le guide ultime (et ultra-complet) pour vous y retrouver. Dates, lieux, expositions à ne pas manquer, conseils pratiques… On vous dit tout ce qu’il faut savoir pour ne rien louper de la Biennale d’Architecture de Venise 2025.
Biennale d'Architecture de Venise 2025 : L'essentiel à savoir avant de plonger dans l'Intelligens
Si un événement devait incarner le grand carnaval mondain et intellectuel du monde architectural, c’est bien la Biennale d’Architecture de Venise : chaque édition agite le petit monde des experts comme une pierre dans la mare, oscillant entre révélations sincères et poudre aux yeux. Sans vouloir froisser, voilà déjà des mois qu’on murmure sur la 19e édition — censée être celle du sursaut ou du naufrage — avant même que les premières estrades ne soient montées dans les nébuleux Giardini.
Dates clés et horaires : quand et comment ne rien manquer
Ouverture au public : du 10 mai au 23 novembre 2025 (prévoyez les traditionnelles journées presse les 8 et 9 mai – où il faut croiser plus d’attachés de presse en sueur que d’architectes inspirés).
Horaires principaux :
- Giardini & Arsenale : en général ouverts de 10h00 à 18h00 (attention, fermeture anticipée certains jours, organisation italienne oblige). Il serait naïf de croire que la ponctualité règne en princesse — mieux vaut vérifier la veille ! On aurait pu rêver mieux : aucune réforme n’a allégé la file d’attente proverbiale.
Le thème « Intelligens » : décryptage d'une notion aux multiples facettes
Le terme « Intelligens » — on s’étonnera à peine qu’il faille convoquer le latin pour tenter de sauver l’honneur conceptuel — se veut bien plus qu’un clin d’œil érudit. Il s’agit ici de repenser les formes d’intelligence qui irriguent notre monde construit : naturelle, artificielle, collective. Rien que cela, me direz-vous ! Carlo Ratti (professeur au MIT et cerveau derrière CRA - Carlo Ratti Associati) orchestre cette édition autour d’une pensée fluide, quasi tentaculaire, où l’intelligence n’est plus seulement humaine ni même technologique mais devient une force adaptative, mouvante.
« Architecture is the only discipline to bring everybody together, because it means rethinking the built environment, the places we all live. The planet has changed, and institutions must change too, especially those devoted to the built environment. » – Carlo Ratti
Sans vouloir froisser ceux qui voient dans le choix du curateur une garantie de radicalité : avouez-le, le nom impressionne davantage par ses affiliations prestigieuses que par son audace téméraire. Ratti convoque trois pôles majeurs — intelligence naturelle (écologie), artificielle (IA et data), collective (collaboration sociale) — mais on attendra de voir si la réalité rejoint l’ambition ou si tout cela se dissout dans un brouillard discursif aussi dense que les brumes lagunaires.
Une anecdote piquante pour amateurs éclairés :
À l’annonce du thème lors d'une conférence milanaise confidentielle, il a fallu rappeler à certains participants qu’« intelligens » n’était pas une faute typographique… preuve s’il en fallait que le blabla précède souvent l’intellection réelle.
Les lieux incontournables : Giardini, Arsenale et au-delà
Difficile de faire plus classique pour asseoir une légitimité internationale : les Giardini, écrin historique des pavillons nationaux (France, Allemagne, Royaume-Uni… même si certains y squattent depuis trop longtemps pour offrir autre chose qu’une redite polie) ; puis l’Arsenale, vaste cathédrale industrielle dont la modularité finit surtout par servir des accrochages dont seuls les initiés distinguent parfois le sens profond. On aurait pu rêver mieux que cet éternel balancement entre patrimoine figé et scénographie épuisée.
Quelques satellites émergent néanmoins hors-les-murs : galeries éphémères à Dorsoduro ou interventions furtives dans des palais décatis… Mais soyons honnêtes : tout tourne encore autour de cette dyade Giardini/Arsenale comme si l’innovation spatiale avait été bannie du lexique vénitien.

L'architecture comme miroir de nos intelligences : Que nous réserve cette 19e Biennale ?
Loin des slogans marketés, la Biennale 2025 prétend disséquer le concept d’« Intelligens » à travers un triptyque d’intelligences, parfois vaporeux, souvent bancal : naturelle, artificielle, collective. Sans vouloir froisser les amateurs de concepts flous, il faut bien reconnaître que la pertinence des installations fluctue au gré des velléités curatorielles.
Les trois axes de l’intelligence : naturelle, artificielle, collective
La déclinaison thématique n’est pas qu’un écran de fumée (enfin… pas uniquement) : elle structure réellement le parcours — pour le meilleur ou pour l’agacement poli. Derrière cette façade s’exposent des démarches hétéroclites, où la sincérité côtoie parfois l’opportunisme pur.
Comparatif des approches d’intelligence présentées dans l’exposition
- Intelligence naturelle : Représentée par des projets misant sur le biomimétisme, le recyclage actif ou la cohabitation symbiotique avec le vivant (l’Institut IAAC multiplie les expériences sur les biomatériaux et la conception circulaire). Cependant, nombre d'entre eux se contentent d’un verdissement cosmétique – une plante ici, une racine là – sans jamais remettre en cause le dogme productiviste du secteur.
- Intelligence artificielle : Les dispositifs technologiques abondent (systèmes verriers intelligents type Water-Filled Glass), mais combien relèvent d’une véritable réflexion ? On s’émerveille devant quelques algorithmes et du verre piloté par un smartphone. Rares sont les contributions qui questionnent vraiment l’impact social ou politique de l’IA.
- Intelligence collective : Là encore, certains pavillons tentent l’inclusivité à grand renfort d’ateliers participatifs et de workshops ouverts… mais trop souvent cela tourne à la performance autocentrée pour happy few connectés. La collaboration transversale semble davantage invoquée que pratiquée.
Résumons : La Biennale se rêve laboratoire planétaire des nouveaux paradigmes architecturaux. On aurait pu rêver mieux côté radicalité, mais certaines initiatives sauvent l’ensemble du naufrage discursif.
Installations et pavillons marquants : audace ou redite ?
Soyons honnêtes, sur plus de soixante-dix pavillons nationaux et 300 projets recensés aux Giardini et à l’Arsenale, peu arrachent un véritable frisson intellectuel. Quelques exceptions émergent nettement :
- Boomserm Premthada (Thaïlande) fait sensation avec « The Ritual, The Void, The Repair », installation qui interroge la perte et la réparation dans un espace immersif où terre crue et numérique s’épousent sans mièvrerie.
- Benedetta Tagliabue (Espagne) manipule magistralement la lumière et les matériaux bruts dans un geste qui révèle autant qu’il camoufle — bluffant ou vain ? Cela dépendra de votre patience devant les reflets changeants.
- L’équipe ETH Zurich & Roofscapes (Bjarke Ingels Group) présente une structure temporaire explorant l’hybridation entre green tech et low-tech urbain ; on appréciera cet effort d’ingénierie poétique qui ne sacrifie pas tout au spectacle.
- Parmi les déceptions marquantes : certains grands noms — Kengo Kuma, François Roche — livrent cette année des copies convenues où le discours précède tristement la proposition spatiale. On aurait pu rêver mieux…

Focus sur le pavillon français : "Vivre avec" ou survivre malgré tout ?
Le pavillon français s’affiche sous la bannière « Vivre avec » (« Living With »). Sur le papier : un manifeste pour apprendre à cohabiter avec incertitude écologique et complexité sociale. Lina Ghotmeh pilote ce barnum hexagonal flanquée de références affichées à Hassan Fathy via la Palestine Regeneration Team – sans oublier quelques stars comme Tatiana Bilbao ou MAIO conviées en satellite interprétatif.
Sans vouloir froisser notre ego national : il y a là une volonté louable de sortir du techno-solutionnisme béat. Le discours promet dialoguer avec toutes formes de vie (humaine ou non), intégrer le bâti dans les cycles naturels… Mais avouez-le : on peine parfois à distinguer ce manifeste d’une exaspérante liste de bonnes intentions. La scénographie demeure efficace mais sage ; quant au contenu scientifique – six conférences thématiques sont prévues –, il affiche une ambition plus pédagogique que franchement subversive. On aurait pu rêver mieux du pays du structuralisme critique !
Avis tranché :
On saluera un travail collectif honnête où brillent surtout la médiation pédagogique et une certaine humilité face aux enjeux environnementaux. Mais côté audace formelle ou vision politique tranchée ? Circulez ! Rien à voir…
Nouveautés notables : élargissement géographique… et qualitatif ?
L’arrivée du Togo n’est pas passée inaperçue : via Studio NEiDA et Jeanne Autran-Edorh au Palais de Lomé, accompagnés par Fabiola Büchele et Nok., cette toute première participation donne enfin voix à une Afrique urbaine hors clichés touristiques. Les installations explorent habilement architecture vernaculaire revisitée par le numérique – preuve que Venise peut encore servir de tremplin aux talents émergents si tant est qu’on cesse de s’extasier dès qu’un continent non-occidental franchit la lagune.
Bahreïn propose quant à lui une réflexion sur les transitions climatiques qui force le respect par sa sobriété radicale ; Hong-Kong repense étonnamment ses micro-tissus urbains en plateforme interactive; Le Danemark tente une hybridation entre mémoire industrielle portuaire et écologie active — démarche perfectible mais stimulante ; quant au Vatican, sa micro-chapelle mobile amuse autant qu’elle intrigue pour sa capacité à jouer avec les codes patrimoniaux sans tomber dans le pastiche grotesque.
À noter aussi quelques artistes hors-pavillon tels que Kabage Karanja/Stella Mutegi (Kenya), Owen Hopkins ou Kathryn Yusoff (UK) dont les interventions transversales renouvellent enfin ce vieux fond eurocentré qui colle trop souvent à Venise comme une moisissure persistante…
En définitive : Oui, cette édition élargit son horizon géographique – reste maintenant à élever systématiquement celui des idées mises en espace.
Naviguer dans le labyrinthe vénitien : Conseils pratiques pour votre visite
Venise n’est pas une ville : c’est une énigme logistique pour tout explorateur qui refuse de se laisser réduire au rang de touriste égaré. Sans vouloir froisser les rêveurs, la Biennale exige précision et stratégie si l’on souhaite éviter le syndrome du « touriste lessivé à midi ». Voici comment tirer profit du chaos lagunaire.
Se rendre à la Biennale : modes d’accès, vaporetto, taxi ou déambulation savante
Giardini et Arsenale, les deux épicentres officiels, se situent en bordure du quartier Castello — aussi éloignés des clichés gondoliers que possible. On aurait pu rêver mieux qu’une signalétique capricieuse : il faut donc anticiper.
Les options vraiment pratiques :
- Vaporetto : Le moyen le plus fiable, avouons-le, pour rejoindre les sites depuis la gare Santa Lucia, Piazzale Roma ou même le Lido. Privilégiez la ligne 1 (lente mais panoramique) ou la ligne 4.1/4.2 (plus rapide). Pour les Giardini : descendez à l’arrêt « Giardini/Biennale » ; pour l’Arsenale : arrêts « Arsenale » ou « Celestia ».
- À pied : Parcours conseillé si vous logez dans Castello ou San Marco. Venise est un puzzle piétonnier — 25 minutes suffisent depuis Saint-Marc jusqu’aux Giardini. Ne sous-estimez pas l’ivresse des ruelles ni le pouvoir décourageant des ponts…
- Taxi nautique : Option clinquante, excessivement chère et souvent inutile sauf si vous tenez absolument à arriver en grande pompe devant un public blasé.
Checklist pour survivre aux déplacements durant la Biennale :
- Achetez vos billets de vaporetto à l’avance (carte Venezia Unica conseillée)
- Évitez les heures de pointe (10h-11h et 17h-18h) sur les lignes principales
- Prévoyez de bonnes chaussures et un plan hors-ligne (le GPS s’égare parfois sous les arcades)
- Notez soigneusement les correspondances entre arrêts Giardini/Biennale, Arsenale et San Zaccaria
- Si vous sortez tard d’événement parallèle… ne comptez pas trop sur un taxi nautique spontané !
Billetterie et accès : déjouer la file d’attente éternelle
On aurait pu rêver d’un système enfin fluide — mais Venise aime ses files comme ses reflets dans la lagune. Achetez vos billets en ligne sur le site officiel dès que possible :
- Billets journaliers pour Giardini/Arsenale (entrée unique), pass plusieurs jours si vous prétendez tout voir (ce qui tient du mirage).
- Des tarifs réduits existent pour étudiants, seniors, résidents vénitiens et personnes en situation de handicap (sur présentation de justificatifs). L’achat aux infopoints reste possible mais lent ; privilégiez donc la voie digitale.
- Les enfants accompagnés peuvent obtenir des entrées gratuites sur demande sur place, encore faut-il oser affronter la bureaucratie locale.
Pour accéder aux sites principaux, préparez-vous à passer par un contrôle de sécurité minimaliste mais non négociable. Conservez vos justificatifs numériques prêts à être scannés — la tradition veut qu’ils soient vérifiés trois fois avant d’ouvrir le moindre portillon.
Où séjourner à Venise pour profiter pleinement de la Biennale ?
Un séjour réussi tient autant au lit trouvé qu’à l’installation vue : ceux qui logent loin s’épuisent en trajets stériles. Les quartiers incontournables sont :
- Castello : Imbattable pour accéder rapidement aux Giardini et Arsenale. Hôtels-boutiques comme Ca’ di Dio ou chambres moins tape-à-l’œil chez l’habitant offrent proximité et authenticité — cherchez aussi autour du Squero Castello pour un supplément d’âme locale.
- Dorsoduro : Parfait compromis entre vie nocturne feutrée et accès rapide via vaporetto vers les expositions satellites.
- Lido/Sant’Elena : Idéal si vous fuyez l’affluence touristique, avec accès direct par vaporetto (ligne 6 ou 5.1).
- Pour budgets serrés : quelques B&B adultes-only proches des Giardini affichent complet dès avril – n’espérez pas négocier sauf miracle…
Au-delà des Giardini et de l’Arsenale : explorer ce que personne ne mentionne jamais
Sans vouloir froisser les organisateurs officiels : ce sont souvent les événements parallèles qui justifient le déplacement. Plus discrets mais infiniment plus provocateurs.
- En 2025, onze événements collatéraux sont annoncés dans des lieux insoupçonnés – pensez Complesso di Santa Maria Ausiliatrice (expositions vaticanesques), palazzi privés ouverts seulement lors de la Biennale ou chapelles cachées transformées en laboratoires expérimentaux.
- Consultez régulièrement le calendrier officiel et osez pousser des portes mal signalées ; évitez de croire que tout ce qui est hors-circuit n’a pas d’intérêt — bien au contraire !
- Astuce inattendue : certains vernissages satellites offrent buffet gratuit (caveat : il faudra supporter quelques discours ampoulés avant d’accéder aux amuse-gueules…).
En somme, refuser l’itinéraire imposé fait souvent toute la différence entre visite subie et immersion véritablement stimulante.
La Biennale d'Architecture de Venise : Plus qu'une exposition, un observatoire des enjeux contemporains
Venise, cité des reflets trompeurs, expose chaque année l’architecture à son propre procès. Sans vouloir froisser les esprits romantiques, il est temps de décaper le vernis mondain pour saisir ce qui fait – ou défait – la pertinence de ce grand raout contemporain.
L'architecture face aux défis du réchauffement climatique et de la géographie inhumaine
On ne s’y trompe pas : en 2025, la planète brûle plus vite que les plans directeurs ne se dessinent. La Biennale tente – avec plus ou moins d’adresse – de dépasser le poncif de « réduire l’empreinte écologique ». Carlo Ratti orchestre une édition qui proclame l’avènement d’une architecture adaptative : non plus résignée à colmater les brèches, mais supposée inventer une nouvelle grammaire du vivre-ensemble dans l’instabilité climatique (voir analyse approfondie).
Les pavillons rivalisent donc d’ingéniosité (parfois feinte) autour du climat : captation passive de fraîcheur, structures démontables répondant à l’élévation des eaux et matériaux circulaires dominent les discours. Pourtant, combien osent dépasser la posture décorative pour s’attaquer réellement aux liens toxiques entre urbanisme et anthropocène ? Le MIT expose des prototypes climatiques ultra-technos ; ailleurs, quelques installations mettent en scène la mutation géographique avec un cynisme latent – la majorité préfère encore la suggestion poétique au remède tangible.
Résumé sévère : L’adaptation est LE mot à la mode – mais trop souvent synonyme d’un opportunisme prudent plutôt que d’une réelle prise de risque architecturale.

Artisanat, matériaux innovants et savoir-faire local : le retour aux sources ou l'avant-garde ?
Il y a ceux qui crient au retour providentiel des matériaux naturels et ceux qui voient là un recyclage paresseux de « solutions ancestrales ». Sans vouloir froisser : la Biennale 2025 est traversée par ce paradoxe. Entre démonstrations tapageuses d’imprimantes 3D sur pierre (l’exposition "Tradition Meets Innovation") et revival artisanal piloté par robots (merci BIG et sa symphonie bhoutanaise), le spectateur assiste à une relecture parfois laborieuse des traditions locales (source).
Certains projets canadiens font preuve d’audace réelle en hybridant techniques vivantes et matériaux « intelligents », pensés pour réagir aux agressions environnementales. D’autres se contentent d’un hommage compassé aux pierres porteuses ou au bois recyclé sans jamais ébranler le champ des possibles. On aurait pu rêver mieux que ces clins d’œil convenus à l’écologie par défaut. Trop souvent, le matériau innovant n’est qu’un prétexte pour masquer le vide conceptuel.
La politique et la mémoire historique à l'épreuve de l'architecture
La Biennale n’a jamais été un sanctuaire apolitique – quoique certains commissaires aimeraient reléguer les débats hors-champ (Le Monde). Pourtant, chaque pavillon trahit ses allégeances : mémoire coloniale revisitée, territoires disputés brandis comme pancartes silencieuses. On notera cette année le travail incisif du Palestine Regeneration Team, qui refuse la simple commémoration lacrymale au profit d’une réflexion spatiale sur la survie identitaire.
Rem Koolhaas avait jadis imposé sa marque critique sur ce terrain miné ; aujourd’hui trop nombreux sont ceux qui diluent leur geste politique dans une esthétique consensuelle. L’architecture questionne-t-elle vraiment les inégalités ? À voir… On aurait pu rêver mieux qu’une posture prudente déguisée en manifeste engagé.
Petite anecdote mordante :
En salle presse lors du vernissage, un curateur nordique a justifié le manque de positionnement politique par « la fatigue globale du débat public »… Preuve que même dans le champ symbolique, l’indolence gagne du terrain.
L'impact de la Biennale sur le monde de l'architecture et la perception du public
La Biennale est censée être un baromètre ; elle n’est trop souvent qu’un thermomètre confisqué par quelques mains expertes. Côté profession : on y observe deux tendances irréconciliables — une élite soucieuse d’affirmer ses réseaux sous couvert d’expérimentation radicale ; une jeune garde guettant furieusement les innovations prêtes-à-servir du marché global (surface). Le grand public, quant à lui ? Il se presse pour voir du spectaculaire mais aussi — miracle — parfois pour comprendre comment les enjeux sociaux s’incarnent dans la brique et le béton.
En somme : La Biennale démocratise-t-elle réellement ? Le doute persiste… Mais elle fabrique indéniablement un imaginaire collectif où l’esquisse a valeur manifeste et où chaque visiteur repart avec plus de questions que de certitudes. Ce n’est déjà pas si mal !
La Biennale d'Architecture de Venise 2025 : Verdict cinglant et perspectives
On aurait pu rêver mieux, ou du moins différemment, mais la 19e édition de la Biennale d’Architecture de Venise persiste et signe dans l’ambivalence : une valse hésitante entre illuminations sporadiques et torrents de discours recyclés. Sans vouloir froisser les tenants du consensus, il faut reconnaître que le cru « Intelligens » aura surtout brillé par ses contrastes plus que par sa cohérence lumineuse.
Les points forts : quand la lucidité perce le vernis
Quelques expositions se sont hissées au-dessus de la mêlée, prouvant qu’il reste des poches de résistance à la tiédeur généralisée. Le pavillon thaïlandais, mené par Boomserm Premthada, a ébloui par sa capacité à fusionner matérialité locale et questionnements universels sans sombrer dans le folklore ou la démonstration vaine. L’expérimentation suisse (ETH Zurich & Roofscapes), avec son laboratoire urbain in situ, a fait preuve d’une rare inventivité sans céder à l’hystérie high-tech — enfin.
La mention spéciale, si l’on ose parler Lion d’Or, devrait revenir à ceux qui ont su conjuguer engagement et retenue plutôt qu’aux tenants de la surenchère spectaculaire. Que dire en revanche des grands pays européens dont les expositions semblent prisonnières d’un classicisme autoréférentiel ? On aurait pu rêver mieux que ces pâles reflets d’avant-gardes défuntes.
Les faiblesses : langue de bois et postures creuses
Difficile en revanche d’être indulgent face aux pavillons pour lesquels « intelligence » ne fut qu’alibi rhétorique. Trop souvent, installations gadgets et dispositifs interactifs n’ont produit que ce que le public redoute : une expérience Instagrammable — fade dès le lendemain. La France s’en sort honorablement côté pédagogie mais manque cruellement de nerf politique. Quant à certains mastodontes comme le Royaume-Uni ou le Japon, ils offrent cette année une copie aussi prudente qu’un rapport ministériel.
Ironie du sort et observation finale
Petit clin d’œil piquant : lors de la remise du Lion d’Or, il se murmure dans les coulisses qu’un curateur n’a pas su reconnaître son propre projet parmi les finalistes tant tout avait fini par se ressembler sous le même glaçage conceptuel… Un aveu involontaire sur l’état du monde architectural contemporain où chaque édition promet la rupture pour mieux sanctuariser l’entre-soi.
Sans vouloir froisser : à Venise, on finit toujours par confondre génie novateur et habileté à manier le jargon — mais il subsiste quelques étincelles pour illuminer ceux qui savent regarder ailleurs que là où pointe le projecteur officiel.