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PDG Lamborghini : portrait, carrière et influence de Stephan Winkelmann

14 min
Marketing de Luxe
9 September 2025 à 4h54

Stephan Winkelmann : Le retour aux commandes d'une légende italienne

Difficile d'imaginer Lamborghini sans évoquer la silhouette impeccable — presque caricaturale — de Stephan Winkelmann, ce dirigeant germano-italien qui cumule les allers-retours entre Sant'Agata Bolognese et le sommet de l'industrie du luxe automobile. Né à Berlin en 1964, élevé à Rome, diplômé en sciences politiques (oui, vous avez bien lu), il n'est pas un pur produit des paddocks ni un ingénieur hanté par la vitesse pure. Il est d'abord un stratège froid, un homme du calcul et du réseau — avouez-le, ça casse un peu le mythe. Son retour à la tête de Lamborghini le 1er décembre 2020, après plusieurs années d'exil doré chez Audi Sport puis Bugatti, n'a rien d'un coup de théâtre sentimental : il s'agit avant tout d'une décision mûrement réfléchie par le groupe Volkswagen pour garantir une continuité rassurante dans la turbulence technologique actuelle.

« Lamborghini fait partie de mon ADN », a-t-il déclaré sans trembler, lors de son retour officiel. On ne s'y trompe pas : c'est surtout l'ADN du management méthodique qui transparaît derrière ce genre d'affirmation.

Un parcours hors-norme mais peu romanesque : De Bugatti à Audi Sport en passant par Lamborghini

Avant d'endosser pour la seconde fois le rôle de PDG chez Lamborghini, Winkelmann n'a cessé de gravir les échelons dans l'univers feutré du groupe Volkswagen. Après avoir dirigé Lamborghini entre 2005 et 2016 (période durant laquelle il transformera la marque en machine à cash pour actionnaires exigeants), il rejoint Audi Sport GmbH début 2016, où il orchestre la montée en gamme des modèles RS et R8, polissant une image déjà surchargée d'anabolisants marketing. En 2018, direction Bugatti Automobiles S.A.S., temple français du W16 quadriturbo, où il peaufine sa réputation de gestionnaire inflexible plus que celle d'un amoureux fou des Vitesse ou Chiron. Sans vouloir froisser les enthousiastes naïfs :

Soyons honnêtes... Ces nominations sont dictées par une logique financière et géopolitique intra-groupe bien plus que par une passion viscérale pour la mécanique pure. On parle ici d'un as du business aux costumes trop bien taillés pour laisser place au hasard.

La première époque Winkelmann : Entre Gallardo et Aventador, consolidation musclée du mythe taureau

Lorsque Stephan Winkelmann prend les rênes de Lamborghini en 2005, la marque végète encore dans l’ombre écrasante de Ferrari et doit composer avec ses vieux démons industriels. Il impose alors une discipline quasi militaire dans la gamme : lancement intense des séries limitées, rationalisation (à défaut d’inspiration) industrielle et internationalisation accélérée.
Gallardo devient alors le best-seller inattendu – soyons lucides – surtout grâce à une stratégie marketing agressive et à l’obsession pour les déclinaisons (Spyder ? Superleggera ? Faites votre choix !). L’Aventador parachève cette dynamique : démonstration brute de force V12 pour milliardaires pressés.

Sans vouloir froisser les puristes : sous sa direction initiale, Lamborghini est devenue rentable comme jamais — mais au prix d’une dilution partielle de son exclusivité mythique. On aurait pu rêver mieux qu’un simple alignement sur les recettes Audi-Volkswagen… mais c’est là toute l’ambiguïté Winkelmann.

Lamborghini sous l'ère Winkelmann : L'ADN revisité sans renier l'héritage

L'Urus, le pari risqué qui a transformé le paysage de Lamborghini

Parmi les nombreuses mutations stratégiques opérées sous l’autorité clinique de Stephan Winkelmann, il y a ce fameux moment où Sant’Agata a osé briser son propre tabou : le lancement de l’Urus, premier Super Sport Utility Vehicle (SSUV) du taureau. Impossible d’exagérer : il s’agit d’un séisme dans la tradition de la marque, un affront aux puristes à peine compensé par une pluie de chiffres… et quel déluge !

En à peine quelques années, l’Urus est devenu le principal vecteur de croissance de Lamborghini : il représente désormais plus de 50% des ventes mondiales, tous modèles confondus — on ne s’y trompe pas, cette diversification a sauvé la marque d’une marginalité confortable mais économiquement insoutenable. Le coup marketing est magistral, personne ne peut décemment le nier : vous pouvez aujourd’hui croiser un blason Lamborghini sur le parking du Ritz ou devant l’école privée la plus snob du 16e arrondissement. Mais soyons honnêtes… On assiste surtout à une reconfiguration assez vulgaire du mythe. L’Urus n’est ni un V12 symphonique ni une œuvre d’art motorisée : c’est un SUV hypertrophié qui fait rentrer des liquidités, point barre.

Résumé clé :

L’Urus a transformé Lamborghini en multipliant ses volumes de vente mais au prix d’une dilution partielle du prestige historique ; c’est la victoire éclatante d’un marketing "first", avec tous les paradoxes que cela implique pour une marque censée incarner l’exception absolue.

L’hybridation au cœur de la stratégie : Le passage au HPEV (High Performance Electrified Vehicle)

Il fallait bien s’y résoudre : même Lamborghini n’échappe plus à l’hybridation. La stratégie maison consiste toutefois à ne pas sacrifier la combustion sur l’autel du progrès : chez eux, on parle pompeusement de HPEV (High Performance Electrified Vehicle), soit des véhicules où la motorisation thermique demeure centrale — typiquement un V12 atmosphérique — assistée par un arsenal électrique visant à décupler les performances et colmater les brèches imposées par la réglementation européenne.

Le Revuelto donne le ton : trois moteurs électriques épaulant un V12 atmosphérique 6.5L (825 ch thermique + 3x110 ch électriques), gestion vectorielle du couple et batterie lithium-ion compacte placée dans le tunnel central — tout cela pour garantir une expérience digne des standards maison… Enfin, sur papier. Sans vouloir froisser : cette mutation technique est aussi complexe qu’hasardeuse pour une maison dont toute la réputation repose sur l’émotion brute et les envolées mécaniques archaïques.

On aurait pu rêver mieux que cette hybridation imposée par Bruxelles ; reste que Lamborghini tente ici de retarder l’inéluctable tout en préservant les marges et son storytelling.

Les nouveaux modèles : Revuelto, Urus SE hybride plug-in et bientôt Temerario

On n’arrête pas le progrès – ni les impératifs d’image. En 2023-2024, Lamborghini accélère sa mue électrifiée avec des modèles qui cochent toutes les cases attendues par la clientèle mondiale ultra-fortunée :

  • Revuelto V12 HPEV : Puissance cumulée dépassant 1 000 ch grâce à la combinaison thermique/électrique ; design agressif et aérodynamique active ; cockpit numérique ultra-connecté.
  • Urus SE hybride plug-in : Moteur V8 biturbo couplé à une unité électrique pour près de 800 ch cumulés ; autonomie zéro émission en cycle urbain ; toujours ce look bodybuildé qui plaît tant aux nouveaux riches émergents.
  • Temerario (annoncé) : Positionné comme remplaçant du Huracán, il promet autour de 900 ch issus d’un V8 hybride HPEV dernière génération ; nouvelles technologies embarquées et châssis optimisé pour surclasser Ferrari… sur Instagram comme sur circuit.

Les défis technologiques et environnementaux : Naviguer entre performance et durabilité

Il faut avoir l’honnêteté intellectuelle (rare dans ce milieu) de rappeler que Lamborghini avance ici sur une ligne de crête terriblement étroite. Entre des normes anti-pollution toujours plus sévères (l’Europe rêve déjà d’imposer zéro émission dès 2035…), une pression sociétale anti-supercars grandissante, et une concurrence technologique effrénée venue notamment d’Asie ou d’Amérique du Nord, il devient périlleux d’assurer le maintien d’un ADN basé sur la brutalité mécanique tout en affichant patte verte.
Le groupe Volkswagen tente tant bien que mal – via ses programmes internes type Direzione Cor Tauri – d’offrir un vernis ESG convaincant sans pulvériser ses marges historiques. Mais avouez-le : derrière chaque communiqué écolo se cache surtout un impératif comptable très prosaïque. Les puristes crient au scandale ? Ils oublient trop souvent que seule la survie industrielle justifie ces "révolutions" annoncées.

Au-delà du PDG : L'écosystème Lamborghini et ses figures clés

Héritages et transitions : Domenicali, Winkelmann, et la logique d'entreprise

On a tendance à fantasmer le rôle du PDG comme celui d’un démiurge solitaire. Soyons sérieux : chez Lamborghini, la réalité est infiniment plus prosaïque. Prenez Stefano Domenicali — ex-responsable de la Scuderia Ferrari, il débarque à Sant’Agata Bolognese en 2016 pour succéder à Winkelmann lors d’une période charnière. Son mérite réel ? Il aura su orchestrer sans fracas l’entrée de la marque dans l’ère des normes CO2, préparant le terrain pour les modèles hybrides sans hystérie médiatique. On retiendra : sous sa direction, l’identité Lamborghini a frôlé une forme de normalisation, certes propre mais un peu fade — on aurait pu rêver mieux qu’une gestion en bon père de famille.

Le mythe du leader providentiel s’effrite au profit d’une continuité industrielle pilotée par le groupe Volkswagen ; la personnalité du PDG compte, mais pèse bien moins que les impératifs structurels.

Sans vouloir froisser les laudateurs du génie individuel : que ce soit Domenicali ou son successeur, chacun n’est qu’un agent de transmission dans une mécanique collective dont Ferruccio lui-même n’aurait pas renié le cynisme fondateur.

Sant'Agata Bolognese : entre culte industriel et identité 'Made in Italy'

Impossible d’évoquer Lamborghini sans pointer vers Sant’Agata Bolognese — ce site industriel aux dimensions modestes (un tiers de Maranello) mais à la puissance symbolique démesurée. L’usine incarne tout autant qu’elle fabrique : design artisanal sur mesure (surveillance quasi-maniaque des peintures, selleries cousues main), automatisation high-tech, visites guidées pour clients fortunés. On ne s’y trompe pas : c’est ici que le storytelling « Made in Italy » prend chair… même si la réalité logistique répond inexorablement aux standards allemands du groupe mère.

Intérieur de l'usine Lamborghini à Sant'Agata Bolognese, alliance entre artisanat italien et rigueur industrielle.
Les grandes icônes modèle par modèle :
Modèle Année lancement Rôle historique
350 GT 1964 Première GT, fondatrice
Miura 1966 Révolution du moteur central arrière
Espada 1968 Grand tourisme familial
Countach 1974 Icône stylistique années 80
Diablo 1990 Dernière classique pré-Audi
Murciélago 2001 Première sous Audi
Reventón 2007 Série ultra-limitée
Sesto Elemento 2010 Légèreté extrême/carbone
Veneno 2013 Hypercar anniversaire
Centenario 2016 Hommage fondateur
Gallardo 2003 Bestseller moderne
Aventador 2011 V12 emblématique nouvelle génération
Urus 2018 SSUV/volume record
Revuelto 2023 Première HPEV V12 hybride

Figures cachées et force collective : l'autre visage de Lamborghini

L’ambivalence du succès Lamborghini tient aussi à une équipe dirigeante composite… dont personne ne mémorise jamais les noms. Christophe Piochon (direction technique), Andrea Baldi (président Amériques), Andrea Costantini (qualité), tous ceux-ci incarnent une continuité discrète mais essentielle. C’est là que se joue la vraie bataille de l’exclusivité : garantir un contrôle qualité impitoyable tout en multipliant les déclinaisons modèles à destination des marchés émergents avides de reconnaissance sociale.

Sans vouloir froisser : croire encore au leadership charismatique isolé relève d’un romantisme désuet ; la machine Lamborghini est désormais celle d’une PME très bien organisée dans un empire financier globalisé.

Évaluation : Capacité actuelle à maintenir exclusivité & expansion
⭐⭐⭐⭐☆ (Très bonne discipline industrielle – petit bémol sur le marketing trop expansif)

L'art de diriger Lamborghini : Entre performance, exclusivité et vision du futur

Les distinctions de Stephan Winkelmann : Réalité d'un leadership ou triomphe des apparences ?

Sur le papier, Stephan Winkelmann affiche un palmarès rutilant. Ordre du Mérite de la République italienne, Premio Internazionale BARSANTI e MATTEUCCI : la collection de décorations ferait rougir n'importe quel manager en costume régate. Mais soyons honnêtes, ce genre de distinction relève autant de l'art consommé des relations publiques que d'une reconnaissance objective d'exploit industriel. L'Italie adore sacrer ses "capitaines d'industrie", surtout lorsqu'ils font briller le blason national à l'international, quitte à oublier la part d'opportunisme et de calcul derrière ces cérémonies compassées. Sans vouloir froisser la galerie des flatteurs : chez Lamborghini comme ailleurs, ces honneurs s'obtiennent rarement sans une bonne dose de communication savamment orchestrée.

La stratégie de communication Lamborghini : Mythes, storytelling et contrôle absolu

Difficile de trouver aujourd'hui une marque plus obsédée par son image que Lamborghini. Sous l'impulsion de sa direction, la communication est devenue une arme absolue : campagnes synchronisées entre médias traditionnels et influenceurs triés sur Instagram, événements mondains réservés aux happy few (lancement sur invitation dans des villas italiennes hors du temps), inondation calculée du moindre réseau social avec vidéos spectaculaires, teasers et contenus immersifs où la performance flirte avec le sensationnel. On ne s'y trompe pas : chaque prise de parole participe à forger un récit où l'exclusivité se confond avec l'entre-soi — au point parfois d'effacer toute authenticité au profit du vernis marketing.

  • Exclusivité systématique : éditions limitées annoncées à grand renfort de superlatifs (et d'embargo presse)
  • Performance martelée : chiffres techniques répétés jusqu'à l'usure pour asseoir la domination V12/V10/HPEV
  • Design italien mis en scène : making-of ultra-travaillés pour donner l'illusion d'une tradition jalousement perpétuée
  • Technologie de pointe autoproclamée : mise en avant des innovations même quand elles servent surtout à coller à la tendance ESG/Luxury Tech.

Avouez-le, impossible d'échapper à cette avalanche promotionnelle si vous fréquentez les cercles du luxe automobile.

L'impact réel des décisions du PDG sur le marché des supercars : ruptures ou simple gestion habile ?

On aurait pu rêver mieux qu'une révolution — mais Stephan Winkelmann a choisi la continuité rentable plutôt que les paris fous. Hybridation prudente mais revendiquée à coups de HPEV (parfois contre l'avis des puristes), multiplication contrôlée des séries inédites pour flatter toutes les clientèles émergentes… Résultat ? Lamborghini impose désormais ses codes sur le segment, poussant Ferrari ou McLaren à rivaliser d'audace technique tout en gérant leur rareté commerciale avec une froideur algorithmique. On ne s’y trompe pas : si Lamborghini caracole dans les classements mondiaux et affole la concurrence – c’est moins grâce à un génie disruptif qu’à une compréhension aiguë des attentes (et caprices) d’une clientèle mondiale hyper-sollicitée. Les supercars ne font plus rêver uniquement par leurs performances, mais par leur capacité à incarner un lifestyle calibré — ce dont Winkelmann a fait sa spécialité.

La patte Winkelmann, une signature durable pour Lamborghini ?

Stephan Winkelmann aura indéniablement façonné le Lamborghini de l’ère contemporaine : rentabilité maximale, hybridation imposée, mythe redéfini pour l’époque des réseaux sociaux et du capital mondialisé. Mais sans vouloir froisser les zélateurs du leadership providentiel : sa « patte » n’est peut-être qu’une étape transitoire, aussi brillante qu’obligée, dans la marche forcée de Sant’Agata vers une luxure technologique calibrée par le groupe Volkswagen. On peut admirer la maîtrise du récit et l’efficacité du management, tout en se demandant : cette trace sera-t-elle celle d’un visionnaire… ou simplement le reflet lucide des contraintes de son temps ?

Le vrai legs de Winkelmann : avoir su piloter Lamborghini entre tradition maniérée, expansion froide et électrification mesurée — sans jamais perdre de vue l’essentiel, la survie commerciale d’un mythe.

PDG Lamborghini : portrait, carrière et influence de Stephan Winkelmann

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